Lucy in the sky. Pete Fromm

« Lucy Diamond, quatorze ans, file à toute allure vers l’âge adulte. Prise entre l’urgence de vivre et la crainte de devoir abandonner ses manières de garçon manqué, Lucy se cherche et joue avec l’amour. Elle découvre par la même occasion que le mariage de ses parents n’est pas aussi solide qu’enfant, elle l’a cru. Son père, bûcheron, est toujours absent. Sa mère, encore jeune, rêve d’une autre vie. Et Lucy entre eux semble soudain un ciment bien fragile. Armée d’une solide dose de culot, elle s’apprête à sortir pour toujours de l’enfance et à décider qui elle est. Quitte à remettre en question l’équilibre de sa vie et à en faire voir de toutes les couleurs à ceux qui l’aiment.
Dans un Montana balayé par les vents, c’est la peur au ventre et la joie au cœur que Lucy, pleine de vie, se lance à corps perdu dans des aventures inoubliables. » (Editions gallmeister, 2015, 380 pages)

couv rivire« Lucy in the skyyyy with diiiaamonds…. » 🙂 On ne peut pas s’en empêcher. Pendant toute la lecture, j’ai eu régulièrement en tête cette chanson. Pourtant, elle n’est évoquée qu’une seule fois en 380 pages.

Découvert au fil de vos pages et actualités, c’est en lisant le billet de l’une d’entre vous que j’ai été séduite. Elle (si tu te reconnais, fais-moi signe!) a eu la chance de rencontrer l’auteur et de nous transmettre cette rencontre via une belle description (c’est apparemment un auteur plein d’humanité).

C’est un peu ce qui ressort de ce récit. Lucy Diamond est une ado à priori normale, quoique très indépendante. Elle vit seule avec sa mère, son père bucheront étant amené à travailler de long mois à plusieurs centaines de kilomètres. Il fait donc des passages éclairs, toujours sans crier gare. Une fois qu’il est arrivé, elles ne savent pas quand il repart, mais c’est toujours trop tôt. Ces moments sont des bouffées d’air pur, d’ailleurs, dans leur routine quotidienne. A chaque passage, Lucy et sa mère hiberne avec lui, ce tourbillon qui enchaîne jeux de mots et mises en scène excentriques pour leur plus grande joie. Une fois parti, reste ce vide qu’il faut de nouveau combler, une vie à reprendre là où on l’a laissé…

Lucy et sa mère se sont accommodées de cette vie. Avaient-elles vraiment le choix ? Chuck subvient à leurs besoins et Leene éleve Lucy. Ils gardent contact grâce à des cartes postales envoyées de manière sporadiques.
Agée de 14 ans, véritable garçon manqué ayant pour unique ami Kenny, Lucy grandit à l’écart des filles et des familles traditionnelles. Son seul point d’ancrage en plus de la maison familiale est la cage à écureuil où elle et Kenny sont les maîtres du monde.
A l’âge de l’adolescence, Lucy se cherche et à besoin de repères qu’elle peine à trouver. L’école la laisse de marbre, elle découvre les relations amoureuses, prend conscience de son corps, du pouvoir de celui-ci.
De son côté, Leene rêve d’ailleurs, d’une autre vie. A 33 ans, elle se sent coincée dans ce trou qu’est Great Falls, où elle a grandi et d’où elle n’est jamais partie. Elle passe son temps à attendre : son mari, le retour de Lucy, et à panser les plaies : l’absence, la solitude… Alors, elle décide de prendre un boulot, laissant rapidement Lucy se débrouiller seule. Si Lucy faisait déjà la cuisine, elle n’avait pas l’habitude de manger seule ou de passer la nuit seule dans cette maison qui semble soudain si vaste. Très vite leurs relations s’enveniment. Lucy reproche à sa mère ses choix, son attitude, de la laisser seule. Surtout que de son côté, elle rentre au lycée et que son crâne rasé ne la protège pas de la puberté, des avances et des jalousies des uns et des autres. Pourtant, elle sait être discrète, se fondre dans la masse. Se fiant à son instinct, à son intelligence et à son coeur, elle avance et se construit à coup de gueule et d’éclats. Lucide, elle cherche des repères, tente de se faire entendre, de se tailler une place dans la vie qu’on lui impose et espère l’attention et l’affection de l’un ou l’autre de ses parents.

Lucy in the sky fait partie des livres qui vous marque. ça faisait longtemps que je n’avais pas lu quelque chose d’aussi bon. Le livre de Pete Fromm est construit avec intelligence. J’ai adoré les traits d’humour est les remarques cinglantes que peut sortir Lucy mais qui sont toujours empruntes d’une vérité pas toujours belle à voir. Pour se construire, Lucy va tout remettre en cause : sa vie, sa situation, la situation de ses parents, sa place, l’amour… Puisque personne ne semble se soucier d’elle, elle fera ses propres expériences. Sa plus grande frayeur : terminer comme ses parents.
Lucy est une héroïne comme on en voit peu en littérature : elle est belle mais s’en soucie peu jusqu’au jour peut-être où elle découvre ce nouveau pouvoir, elle est intelligente, mature, a un caractère bien trempé mais est incroyablement lumineuse. Avec elle, on joue aux montagnes russes émotionnelles : on rit, on pleure, on crie, on vit! Car elle veut vivre avant tout de chose, sans s’attacher aux autres. Kenny en fera d’ailleurs les frais. Lucy, c’est presque un doigt d’honneur fait à tous les laissés pour compte, une ode optimiste.

Lucy in the sky est un formidable roman sur l’adolescence et la féminité, sur les bouleversements engendrés par l’adolescence, cette période de la vie à l’équilibre fragile, si bien retranscrit par Pete Fromm dans toute sa complexité, sa brutalité et sa sauvagerie.

10 commentaires sur “Lucy in the sky. Pete Fromm

  1. Ah, encore et toujours Lucy! J’aime, j’aime, j’aime et je suis surement très subjective car je crois que je suis la « elle » à qui tu fais référence, qui a eu la chance de croiser Pete Fromm, plein d’humanité, comme son livre :)!

    1. Après avoir lu beaucoup de bien de cet auteur, c’est le livre qui me tentait le plus. Je ne regrette pas mon choix. Bien que lu en septembre, il me trotte encore en tête parfois.

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